ENTRETIEN AVEC
FRÉDÉRIC CHERBOEUF

Metteur en scène, pédagogue, auteur et acteur formé à l’école du Théâtre National de Strasbourg il joue de nombreux rôles (Le Cid, Amphitryon, Dom Juan, Richard II, Roméo, Faust, Figaro, Sigismond, Pelléas, Héraclius…) et travaille aux côtés de metteurs en scène reconnus ou émergents : Jean-Marie Villégier, Stuart Seide, Adel Akim, Catherine Delattres, Daniel Mesguich, Elisabeth Chailloux, Sophie Lecarpentier, Jacques Osinski, Gilles Bouillon, Alain Bézu, Olivier Werner, Guy-Pierre Couleau, Serge Tranvouez, Volodia Serre, Bertrand Bossard, Philippe Baronnet ou encore Vincent Goethals.
Auteur, il reçoit en 2012 le Prix d’Ecriture dramatique de la ville de Guérande pour "On ne me pissera pas éternellement sur la gueule", co-écrit avec Julie-Anne Roth. Ce texte recevra également les Encouragements du CNT en 2013.
Il enseigne régulièrement dans différentes écoles ( Cours Florent, Sciences Po, Université Paul Valéry de Montpellier, ESAD…) .
Depuis 2014, année de la fondation de sa Compagnie La Part de l’Ombre, il met en scène une dizaine de spectacles dont Marcel Duchamp, "Les Amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable", d’après le texte d’Hervé le Tellier, "L’Adversaire" d’après le récit d’Emmanuel Carrère, "Que je t’aime" de Frédéric Cherboeuf, "OUI MAI" de Frédéric Cherboeuf, "Tebas Land" de Sergio Blanco, "Les Athlètes dans leur tête" de Paul Fournel. En 2023 il entame une collaboration avec le collectif l’Emeute et crée "Le Jeu de l’Amour et du Hasard" de Marivaux puis "L'Illusion Comique" de Corneille (création en cours), deux spectacles programmés au Festival d'Avignon 2025. Il vient de mettre en scène "Le Plancher" de Perrine Le Quérec qui sera également joué à Avignon cet été.
Comment définiriez-vous votre style de mise en scène ?
Je ne revendique aucun style de mise en scène, car pour moi mettre en scène est un exercice de lecture d'un texte. Un exercice dramaturgique. Plonger dans un texte, dans une œuvre. Et c'est cette plongée qui crée la forme de la mise en scène. La mise en scène doit pour moi venir de l'intérieur de l'œuvre et non de l'extérieur afin qu'elle soit nécessaire et non plaquée.
Ensuite il est vrai qu'un metteur en scène ne peut s'empêcher de signer son œuvre, et je le revendique également. Ma signature prend différentes formes dans mes spectacles. L' une d'entre elles pourrait être le la confrontation des grandes œuvres littéraires avec la culture populaire.
Comment recrutez-vous vos comédien.ne.s ? Et qu’attendez-vous d’eux ?
Je suis toujours attaché à l'idée de famille, donc au début de mon travail de metteur en scène j'étais assez rassuré de me sentir entouré ! Mais ces dernières années, et cela me ravit, je rencontre beaucoup de nouvelles comédienne et nouveaux comédiens par le biais de cooptations et d'auditions. J'attends d'eux de pouvoir faire tout et son contraire : d'être à la fois disponible et force de propositions, créateurs et poètes. Pour moi l'acteur est un écrivain qui compose une partition.
Selon vous, quel est le rôle d’un metteur en scène ? Et comment faire une bonne mise en scène ?
Le metteur en scène est un chef de troupe. C'est lui qui crée les conditions de possibilité d'une création collective. C'est un accélérateur de particules. Et il doit stimuler la créativité et l'autonomie de chacune et chacun. Pour faire une bonne mise en scène, il faut créer les conditions de sécurité absolue en répétition afin que la prise de risque des acteur.ice.s soit maximale. Il faut être, soi-même comme les acteurs, dans un état de disponibilité au présent. Et d'un autre côté il faut être cruel et sans peur, savoir faire des choix en permanence et apprendre à dire non!
Quel est le plus gros challenge que vous avez rencontré dans votre carrière ?
Ce que je suis en train de vivre aujourd'hui! Monter "L'Illusion Comique" de Corneille, une pièce labyrinthique et insaisissable.
Quelles sont vos plus grandes influences ?
Elles sont d'abord cinématographiques et littéraires avant d'être théâtrales. Pour ce qui est de mes influences théâtrales, elles viennent essentiellement du théâtre public, car j'en suis un pur produit. Décentralisation, mission de territoire, démocratie culturelle: j'ai toujours considéré que le théâtre devait être avant tout un service public. Et puisque, selon moi, la plus grande qualité d'un artiste c'est la curiosité, je revendique un éclectisme d’influences très large qui va des expériences radicales de Claude Régy jusqu'au grandes fêtes populaires de Thomas Joly. Ce qui me désespère c'est le gris, l'entre-deux, la tiédeur et la peur.
Quelle est la pièce ou le texte que vous rêveriez de monter ?
Je rêve depuis longtemps de monter une adaptation de "La nuit américaine" de François Truffaut. Ce que je vais d'ailleurs faire.
Que souhaitez-vous transmettre durant votre stage au sein du Libre Acteur ?
J'ai tout de suite été séduit par l'intitulé du stage : "De l'art d'être mis en scène". Je trouve le projet très inspirant. Comment rester soi-même tout en se donnant totalement à l'univers d'un auteur et d'un metteur en scène? Cela pourrait être dans l'enjeu de cette semaine de travail. L'autre enjeu sera la question de la violence au théâtre, de sa représentation et de sa stylisation. Ogres, la pièce de Yann Verbugh, est sublime et frôle parfois les limites de l'insupportable puisqu'elle traite de l'ultra violence homophobe. Ce que je souhaite transmettre et chercher avec les actrices et les acteurs, c'est la question de l'appropriation de cette violence
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je travaille actuellement sur la mise en scène de "L'Illusion Comique" de Corneille, pour le Collectif L'Emeute, dans une adaptation mêlant théâtre, musique et cinéma. Ainsi que sur un second projet, "Le Plancher" d'après l'oeuvre de Perrine Le Querrec, une histoire incroyable d'une oeuvre d'art brut retrouvée miraculeusement gravée sur le plancher d'un paysan béarnais souffrant de schizophrénie. Je codirige également un festival théâtral rural estival en Sarthe, Le Champ des Possibles, pour lequel j'accompagne un groupe d'amateurs dans un parcours d'ateliers d'interprétation à l'année. Nous préparons en ce moment le spectacle d'ouverture de la prochaine édition, dans lequel ils joueront aux côtés de comédiens professionnels.