ENTRETIEN AVEC
JULIE TEUF

Photo : Pierre Planchenault
C’est à la faculté des Arts du Spectacle d’Amiens que Julie découvre le théâtre, sous la direction de Fred Egginton et Jérôme Hankins. En 2010, elle intègre la seconde promotion de l’ESTBA - Bordeaux, dirigée par Dominique Pitoiset et Gérard Laurent, et achève ses trois années d’études par un "Machine Feydeau" éclatant, mis en scène par Yann-Joël Collin et Eric Louis.
Fraîchement diplômée, Julie présente "Claustria" qu’elle joue dans le cadre du Festival Novart. En 2014, elle joue dans "Dans la République du Bonheur", mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier. Elle travaille ensuite sous la direction de Catherine Marnas pour "Le Banquet Fabulateur" et "Les Comédies Barbares", puis rejoint "La Bibliothèque des Livres Vivants" de Frédéric Maragnani. En 2016, elle joue dans "L’Héritier de Village "puis "Le Cid", créés par Sandrine Anglade ; rencontre Crypsum ainsi que le Groupe Apache pour deux Banquets Littéraires ; et rejoint Les Petites Madames en 2017 pour jouer dans "George Kaplan". En 2019, Julie joue pour le collectif Denisyak dans "Scelŭs", puis sous la direction de Renaud Diligent dans "Dimanche Napalm". Elle travaille toujours avec Fred Egginton et son Cabaret Grabuge notamment sur "Les Bacchantes", "Dunsinane" et "Lune Jaune" en 2021. Trois nouvelles créations en 2022/2023 : "Libre Arbitre", par la Cie le Grand Chelem ; "Invasion", création du collectif Crypsum ; et "Un ennemi du peuple" par la Cie Voici la Bête. Enfin, 2024, Julie joue dans "Mine de Rien", un duo écrit par Jérémy Barbier d’Hiver.
En plus de son travail de comédienne, Julie écrit et anime de nombreux ateliers. En 2020, elle s’essaie pour la première fois à la mise en scène en adaptant "Peter Pan" de J.M. Barrie ; puis récidive en 2024 avec "Débris", de Dennis Kelly – créations toutes deux produites par le TnBA où elle est alors artiste associée.
Comment définiriez-vous votre style de mise en scène ?
Oh, trop peu de tentatives pour prétendre avoir un style je crois !
Comment recrutez-vous vos comédien.ne.s ? Et qu’attendez-vous d’eux ?
Si l’égo prend plus de place que la générosité, je ne recrute pas. Pour le reste, c’est juste une affaire de travail. Je crois bien moins au talent qu’au travail.
Selon vous, quel est le rôle d’un metteur en scène ? Et comment faire une bonne mise en scène ?
D’abord, savoir communiquer à l’équipe son désir. Le laisser infuser. Veiller à ouvrir toujours des espaces de propositions pour chacune et chacun. Ne pas faire semblant de considérer ces propositions mais les accueillir franchement, les regarder bien en face. S’assurer régulièrement que nous avançons toujours tous ensemble dans la même direction. Être suffisamment ouvert et naïf pour qu’advienne la surprise et l’inattendu. Être suffisamment solide et déterminé au moment de prendre la responsabilité du dernier mot.
Quelles sont vos plus grandes influences ?
J’ai été puissamment bouleversé par "MISSION" et "PARA", deux spectacles d’un trio d’artistes belges : David Van Reybrouck – auteur, Raven Ruëll – metteur en scène, et Bruno Vanden Broecke – acteur. Grand trouble. Quand tu sors de la salle et que tu ne sais plus trop bien où tu habites. Ça n’arrive pas souvent. "MISSION" et "PARA", une alternance de coup dans le ventre et de grandes étreintes. La maîtrise est absolue mais ne s’étale pas, la précision est chirurgicale. Je n’ai jamais vu un acteur à la fois aussi encré et aussi perméable – tout entier au présent. L’interprétation est ahurissante de vérité, et je reste encore absolument incertaine d’avoir vu un acteur travailler : je garde pour toujours cette absurde conviction qu’il est ce père missionnaire, qu’il est cet ancien parachutiste. Comme une prodigieuse perte de repère. J’y repense très régulièrement.
Quel est le plus gros challenge que vous avez rencontré dans votre carrière ?
Réussir, année après année, à vivre encore de ce métier si malmené par les gouvernements et institutions.
Quelle est la pièce ou le texte que vous rêveriez de monter ?
Un Shakespeare. Je n’ose pas pour l’instant. Je crois que pour monter un texte, il faut se sentir l’envie et les épaules de marcher à côté de celui ou celle qui l’a écrit. Shakespeare, je marche derrière. Je redoute en m’y risquant de découvrir que je ne suis pas encore à la hauteur. Alors je préfère attendre un peu…
Que souhaitez-vous transmettre durant votre stage au sein du Libre Acteur ?
Le plaisir de faire ensemble. Et la patience. Apprendre à observer le processus, se féliciter de chaque nouvelle trouvaille, éprouver la satisfaction de se fabriquer son propre chemin, ne pas avoir peur de rétropédaler parfois...
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je suis en train de créer ma compagnie. Réjouissant vertige que de se fabriquer son propre terrain de jeu.