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ENTRETIEN AVEC
LUCA GIACOMONI

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Luca Giacomoni est metteur en scène et pédagogue. Après des études en Philosophie à l’Université de Bologne, il participe à Venise à Penser l’art, règle et anarchie, une masterclass animée par le philosophe Jean Baudrillard, le sémiologue Paolo Fabbri et l’artiste Joseph Kosuth. Acteur et danseur en Italie, il intègre à Paris l’École de Théâtre Jacques Lecoq. Par la suite, il participe à un stage avec Ariane Mnouchkine et crée, au Théâtre du Soleil, le groupe de recherche Le théâtre en dehors du théâtre.

De 2013 à 2023 il travaille pour la compagnie Why Théâtre et pour le laboratoire des arts de la narration Why Stories, dont il est également co-fondateur. En 2020-2021 Luca Giacomoni est professeur invité et artiste en résidence à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique, et en 2024 il crée le Centre de recherche philosophique et théâtrale Hagia Sophia.

Ses créations théâtrales : Iliade au Centre pénitentiaire de Meaux, les Métamorphoses d’Ovide à la Maison des femmes de Saint-Denis, Hamlet en partenariat avec le GHU Paris psychiatrie & neurosciences, créé au Théâtre Sylvia Monfort dans le cadre du Festival d'Automne à Paris et Woyzeck au Goethe Institut, avec des personnes non et malvoyantes, présentée au sein de l'Olympiade Culturelle 2024.

Comment définiriez-vous votre style de mise en scène ?

​A vrai dire, je me méfie beaucoup des discours sur le « style » et d’une certaine rhétorique sur la « vision de l’artiste » : la forme naît toujours d’un corps à corps avec la matière dramaturgique et, pour ma part, le résultat est imprévisible. Dans les meilleurs des cas, c’est un phénomène émergeant qui dépasse mes intentions et ma volonté. En revanche, je peux facilement nommer le dénominateur commun de mes créations : des textes qui résonnent fortement avec le présent, portés par des artistes ayant une connaissance directe – par leur biographie et leur point de vue situé – des conflits au cœur de la pièce. A partir de là, je pratique un théâtre composé d’éléments simples – sans décor, sans artifices technologiques ou projections vidéo – axé entièrement sur la beauté et la poésie qui peuvent jaillir d’un être humain en action.

Comment recrutez-vous vos comédien.ne.s ? Et qu’attendez-vous d’eux ?

Si la présence d’une personne – professionnelle ou non professionnelle de l’art vivant – me touche, je fais en sorte de la rencontrer au plateau et de lui montrer ma façon de travailler. Il me semble important de prendre le temps de se connaître, d’entrer très vite dans le processus de recherche, traversant aussi des moments d’impasse ou de frustration : j’essaie surtout de comprendre si on pourra s’entendre sur le long terme, et partager la complexe aventure d’une création théâtrale. En ce sens, je n’ai pas d’attentes particulières, mais je suis très attentif à la capacité d’un être humain de s’ouvrir, de prendre des risques et de faire exister son propre imaginaire au sein d’un collectif.

Selon vous, quel est le rôle d’un metteur en scène ? Et comment faire une bonne mise en scène ?

La figure du metteur en scène réunit deux rôles distincts et complémentaires : d’un côté, il y a la « direction d’acteurs » qui est un espace de dialogue et de relation à l’autre, de sensibilité et de mise en confiance. C’est aussi la capacité à comprendre les blocages, à ouvrir des chemins inattendus et à se remettre mutuellement en question. Et puis, de l’autre côté, il y a la « mise en scène », un mélange particulier d’intuition et talent, de savoir faire artisanal et de rêve. Les deux aspects sont essentiels. Mais, sans aucun doute, l’œuvre la plus réussie est celle où la trace du metteur en scène disparait.

Quel est le plus gros challenge que vous avez rencontré dans votre carrière ?

Chaque nouvelle création me semble un défi immense : porter l’épopée de l’Iliade au Centre pénitentiaire de Meaux et en faire une série théâtrale de dix heures ; travailler les Métamorphoses d’Ovide à la Maison des femmes de Saint-Denis – avec des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles – étant moi-même un homme blanc, hétérosexuel, cisgenre ; inviter sur scène des personnes ayant eu des expériences dites « psychotiques » (entente de voix, perte de mémoire, troubles de la personnalité) pour donner corps à Hamlet au Festival d’Automne ; faire entendre Woyzeck d’abord dans les salles de boxe de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, puis au Goethe Institut à des personnes non et malvoyantes. Chaque projet est, en quelque sorte, une mise en danger – et je trouve que cette dimension donne précisément du sens au théâtre.

Quelles sont vos plus grandes influences ?

Venant d’abord de la philosophie, de la musique et de la danse, j’aimerais citer Susan Sontag, Pina Bausch et tous les chefs d’orchestre que j’ai eu la chance d’observer en répétitions, quand je travaillais à la Salle Pleyel. Mais théâtralement, j’ai surtout grandi avec les maitres de l’école russe : d’abord la biomécanique de Meyerhold – découverte en Italie à travers l’enseignement de Gennadi Bogdanov – et puis les recherches de Stanislavskij, Vachtangov, Michail Čechov. Ensuite, ce fut la rencontre avec le travail de Jerzy Grotowski, grâce à Eugenio Barba et à d’anciens collaborateurs du metteur en scène polonais : pour la première fois j’ai vu l’art de l’acteur comme un feu capable de chauffer, éclairer les spectateurs, brûler même. Cela a été un véritable choc. Des années plus tard, à Paris, j’ai eu la chance de rencontrer Peter Brook (qui m’a beaucoup aidé à trouver un chemin personnel, après avoir quitté l’Ecole Jacques Lecoq) : ce théâtre ouvert sur le monde, ancrée dans la vie et indissociable d’un travail sur soi-même, reste un exemple et une véritable source d’inspiration. Aujourd’hui, dans le paysage contemporain, j’admire le travail de Leïla Ka, Bintou Dembélé et Gisèle Vienne.

Quelle est la pièce ou le texte que vous rêveriez de monter ?

L'Œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar.

Que souhaitez-vous transmettre durant votre stage au sein du Libre Acteur ?

Le théâtre que je respecte n’est pas un espace de représentation, mais un lieu dans lequel on peut enfin enlever son masque et arrêter de faire semblant. En ce sens, j’aimerais offrir un temps et un espace pour explorer cette dimension là : vivre le jeu théâtral comme une exploration et une rencontre avec soi-même. Lors du stage, je partirai de la figure d’Antigone – et du texte de Sophocle – pour comprendre, ensemble, comment réactualiser aujourd’hui ce geste antagoniste et nécessaire.

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

Depuis plusieurs mois je travaille à un projet de recherche – Le geste d’Antigone, centré sur le conflit entre l’étique et la loi – avec une équipe d’artistes en situation d’exil ou ayant vécu un parcours de migration. La pièce, fruit d’une recherche dans les camps de refugiés et demandeurs d’asile aux frontières de l’Europe, sera présentée en 2026 à l’Institut du Monde Arabe et au Musée de l’Histoire de l’Immigration.

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