ENTRETIEN AVEC
MARIE MAHÉ

Après des études en histoire de l’art, Marie intègre l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris (ESAD) en 2017. Elle y est notamment dirigée par Cédric Gourmelon, Émilie Rousset, Igor Mendjisky, Serge Tranvouez et Kaori Ito.
À sa sortie en 2020, elle fonde la compagnie DTM 9.4 et met en scène son premier spectacle ADN d’après Dennis Kelly qui s’est dernièrement joué au Théâtre Paris-Villette en 2023.
En parallèle, elle écrit et met en scène son deuxième spectacle intitulé "VIRIL(E.S)" qui interroge les notions de féminité et de masculinité par le prisme de cinq femmes et remporte le Prix théâtre 13 / jeunes metteur·euse·s en scène. Le spectacle s’est joué au théâtre 11 au festival d’Avignon 2023 et est actuellement en tournée.
Aujourd’hui, elle participe au dispositif "Création en cours" aux Ateliers Médicis avec Cyrano de Bergerac et travaille sur l’écriture de sa prochaine pièce.
Comment définiriez-vous votre style de mise en scène ?
Tout dépend de la pièce sur laquelle je travaille et ce que je désire raconter. Mon travail et mon approche évoluent, comme moi. En revanche, je dirais que le dénominateur commun à tous mes spectacles pour le moment est le mélange des genres, des styles. Je cherche toujours à briser les codes et les a priori. Combiner du hip-hop, de la musique pop, des survêtements Adidas, avec de la musique classique, parfois de l'opéra, de la drill. Placer les comédien.nes dans un univers à la fois contemporain et classique. J'aspire à ce que mon style soit pluriel dans un univers à la fois cadré et libre, ou la frontière entre réalité et fiction n'est pas évidente pour le public. Je dirais donc pour le jeu : sans filtre. La base de tout : la sincérité du jeu. Sans artifice. Brut. Tout doit sonner vrai, nécessaire et authentique au service d'une mise en scène qui doit toucher tout le monde.
Comment recrutez-vous vos comédien.ne.s ? Et qu’attendez-vous d’eux ?
La plupart du temps, je recrute mes comédien.nes autour de cafés. Essentiellement. Parfois, je les ai vu jouer, je les connais depuis l'école, on me les a conseillés ou je les ai déjà vus en audition. Mais pour moi, la rencontre autour du café est la plus importante, dans la mesure où je peux rencontrer la personne pleinement, sans stress, sans soucis de résultat, sans performance. Cela me permet de parler de mon travail, elle de son parcours et de nos attentes respectives. Pour l'instant, ça a toujours donné lieu à de merveilleuses rencontres ! Alors je prends beaucoup de cafés.
Selon vous, quel est le rôle d’un metteur en scène ? Et comment faire une bonne mise en scène ?
Selon moi, le rôle d'un metteur en scène est de donner à entendre ce qu'il ressent d'un texte pour raconter quelque chose de notre monde. Pour ça, il a besoin de comédien.nes en premier lieu. Le rôle du metteur en scène se densifie alors, à ce moment-là. Il doit orchestrer une rencontre entre plusieurs individus au service d’une cause pour qu’elle devienne commune.
Je pense que l'objectif de tous les metteurs en scène et de tous les comédien.nes, c'est de faire et d'être dans de bonnes mises en scène. Il est donc commun. Il faut se le rappeler, et se le redire, ensemble, car on peut vite l'oublier. Maintenant, il n'y a pas de recette, mais je pense que pour faire une bonne mise en scène, il faut une bonne intention, de bonnes idées, une bonne organisation, une bonne équipe, des bonnes énergies et de bonnes heures de travail ! C'est déjà pas mal.
Quel est le plus gros challenge que vous avez rencontré dans votre carrière ?
Le prix Théâtre 13 : mettre en scène des comédien.nes et des non-comédien.nes diamétralement opposées, sur VIRIL(E.S), un texte que j'écrivais au fur et à mesure des tours, répéter dans une salle de manière intensive à des heures pas possibles, car certaines avaient un autre travail en parallèle, d'autres devaient tourner la journée, des heures de débats, de discussions, sans avoir la fin du spectacle à 5 jours de la première dans le cadre du Prix Théâtre 13, c'était une sacré aventure dont je suis déjà nostalgique. J'ai beaucoup appris grâce à ça.
Quelles sont vos plus grandes influences ?
Ça dépend, mais toujours dans le fil-droit du mélange des genres, je dirais que sur le plan théorique il y a Grotowski, Artaud et Aristote. Sur le plan de la mise en scène : Vincent Macaigne, Joël Pommerat, Ahmed Madani, Mohamed El Khatib, Ostermeier et beaucoup d'autres. Marion Motin, le collectif (LA) Horde pour la danse. Mes plus grosses influences viennent des autres arts, de la lecture, des films, de la musique. Les tableaux m'inspirent énormément, particulièrement du 18e siècle, mais aussi des artistes plus contemporains : Pollock, Mondrian, JonOne. Et bien entendu, la vie, ma vie et ce que je ressens du monde et ce qu'on m'en raconte.
Quelle est la pièce ou le texte que vous rêveriez de monter ?
Ma prochaine création !
Que souhaitez-vous transmettre durant votre stage au sein du Libre Acteur ?
Je désire leur donner un morceau de mon univers et des prières que j'essaie de me répéter tous les jours. Se décharger de tout savoir, de toute vérité, de tout préjugé sur le texte où sur ce qu'on pense. Oser se laisser déranger, porter. Accepter de se laisser surprendre, de ne pas savoir, d'être ridicule, d'être timide, pudique, de prendre en charge, pleinement, d'affronter le regard de l'autre en ne l'ignorant pas, surtout, et sourire. Sourire quand on a peur. Sourire quand on veut s'énerver contre nous-même. De se souvenir que nous avons tous quelque chose à dire, se donner de l'importance, de la légitimité, raconter un texte avec le cœur, de s'en emparer pleinement pour qu'il devienne une nécessité. Il faut qu'ils lisent le SMS de Cologne de Vincent Macaigne.
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je travaille aux côtés des Ateliers Medicis dans le cadre du dispositif "Création en cours" avec la pièce "Cyrano de Bergerac" dans la ville de Clichy-sous-bois. En parallèle, je travaille sur l'écriture de ma prochaine pièce "Coconut Grove FRAC/TURE".