ENTRETIEN AVEC
TRISTAN PETITGIRARD
Tristan Petitgirard est à la fois auteur, metteur en scène et comédien. Comme metteur en scène, il a monté une vingtaine de spectacles aussi bien théâtraux que musicaux dont notamment « La machine de Turing » de l’auteur-acteur Benoit Solès. Cette pièce a reçu quatre Molières dont celui du metteur en scène de théâtre privé pour Tristan et du meilleur spectacle de Théâtre privé.
Comme auteur, il a été nommé aux Molières comme meilleur auteur francophone vivant en 2015 pour sa pièce « Rupture à domicile » avec Olivier Sitruk, Benoit Solès et Hélène Seuzaret.
Sa nouvelle collaboration avec Benoit Solès, « La maison du Loup », sera à l’affiche du Théâtre Rive Gauche en septembre 2023. Il met aussi en scène en janvier 2024 Ludmila Mikaël et Pierre Arditi réunis pour la première fois sur scène. Tristan a aussi une activité de producteur de théâtre, notamment au travers de Label Compagnie.
Comment définiriez-vous votre style de mise en scène ?
Je recherche avant tout la force émotionnelle d'une actrice ou d'un acteur. Ce que l'on appelait le foyer. Donc, je pars toujours des interprètes dans mon travail, ils sont le centre de tout. Et tout mon travail tourne autour de la situation dramatique, de la disséquer et d'en sortir toutes les pistes. Elle est la base de tout et nous sauve toujours lorsqu'une nous sommes perdus. J'ai aussi une façon très musicale de travailler (pas du tout en indiquant à la note). Je suis très attentif aux mouvements rythmiques dans mes spectacles, dans l'équilibre avec la musique, l'équilibre entre les timbres des actrices et des acteurs... La base pour moi du travail d'une actrice et d'un acteur reste la respiration. La respiration de la pensée mais aussi d'un mouvement. Et c'est cette respiration avec laquelle le spectateur entre en mimétisme. Et puis, je recherche toujours l'enfant intérieur d'un personnage. Je n'oublie jamais que nous jouons et c'est important que cela reste un plaisir. Je ne crois pas que l'on devient un autre ou qu'on se transforme en un personnage. J'adore cette idée que le spectateur accepte ce contrat de mensonge entre lui et nous. Et c'est à nous de lui faire croire. On lui ment en jouant vrai et c'est tout notre plaisir.
Comment recrutez-vous vos comédien.ne.s ? Et qu’attendez-vous d’eux ?
Je vais énormément au théâtre. J'aime découvrir de nouvelles actrices et acteurs. Je fais aussi très souvent des auditions sur mes projets qui sont toujours un moment de rencontre. Malgré la pression de ce moment, j'essaye toujours qu'il soit constructif des deux côtés. J'attends des comédiens un engagement , une proposition dans les auditions. Rien n'est pire que de "sous-jouer" pour moi. On ne peut rien voir. je préfère toujours un peu gommer que pousser un interprète. Et dans les auditions particulières de "reprise de rôle " j'attends que les actrices et acteurs respectent la mise en scène originale tout en ayant leur propre personnalité.
Selon vous, quel est le rôle d’un metteur en scène ? Et comment faire une bonne mise en scène ?
Son rôle premier est pour moi de faire découvrir de nouveaux textes, de jouer les auteurs vivants et de révéler des interprètes. Voilà pourquoi je ne monte quasiment que des créations. Ce sont les auteurs qui sont les grands penseurs. J'adore mon métier de metteur en scène mais je ne me place jamais devant l'auteur. Comme, j'écris aussi à de mon côté, je ne cherche pas à écrire une oeuvre de metteur en scène sur une oeuvre existante. Ce qui n'empêche pas d'avoir un point de vue fort. Je travaille beaucoup en amont avec les auteurs sur les textes. On ne rattrape jamais une pièce pas prêtre à l'écriture. Pour faire une bonne mise en scène , il faut selon moi être capable de fédérer les talents, d'encaisser beaucoup de stress aussi car il y en aura. Je dis souvent que mon métier est un tireur de fils présents dans les interprètes et que son aide à sortir.
Quel est le plus gros challenge que vous avez rencontré dans votre carrière ?
J'espère qu'il n'est pas encore arrivé. Mais jusqu'à présent ça a été de monter un opéra avec 85 personnes dont 40 personnes sur le spectre autistique. Une expérience bouleversante !
Quelles sont vos plus grandes influences ?
Mozart, Tenessee Williams, Robert Carsen, Joël Pommerat, Wajdi Mouawad, Patrice Kerbrat.
Quelle est la pièce ou le texte que vous rêveriez de monter ?
Une création d'un ami auteur... mêler l'amitié et le talent de mes amis est une passion. Et dans les classiques, je rêve de monter "un tramway nommé désir".
Que souhaitez-vous transmettre durant votre stage au sein du Libre Acteur ?
Je souhaite avant tout échanger, partager. Car je sais que je vais beaucoup recevoir aussi. Ce stage est avant tout pour moi une possibilité de rencontre. Et puis ce sera aussi l'occasion de travailler sur des auteurs vivants et des textes inédits. Et peut être donner quelques clefs pour être un acteur en proposition, son premier metteur en scène en quelque sorte...
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
"Le Prix" de Cyril Gély, "Drôle par amour" (ma dernière écriture), "En toute vérité" de Xavier Daugreilh, "Trou de mémoire " de Patrick Rotman, " Linda et Cole " de Stevie Holland, "Vies Communes " d'Eric Assous, "Le jour d'avant "...